À l'occasion de la parution de notre nouvel album Plantes intrépides, découvrez l'interview de Fleur Daugey (autrice) et Chloé du Colombier (illustratrice).

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Chloé : Issue des Arts-Déco de Strasbourg, j’ai travaillé une dizaine d’années dans l’édition jeunesse en tant que graphiste free-lance. Je me consacre depuis 2013 à l’illustration et j’œuvre essentiellement pour l’édition jeunesse (Gallimard Jeunesse, Casterman, Éditions du Ricochet), la presse jeunesse (Bayard, Salamandre) et le loisir créatif (Poppik). J’ai à cœur de transmettre les richesses du monde du vivant aux plus petits, soit en les éveillant scientifiquement, soit en les émerveillant via des rêveries qui réinventent les liens entre végétaux, animaux, humains et galaxies…

Fleur : J’ai une formation d’éthologue, j’ai donc étudié le comportement animal et travaillé dans divers projets de conservation des espèces menacées à travers le monde. Dans mon travail, j’essaie d’éveiller le lecteur à la connaissance et au respect pour toutes les autres formes de vie qui nous entourent.


Comment vous est venue l'idée de cet album ?
Chloé : En été 2019, j’ai retrouvé Fleur à Chambéry. Dans un café cosy, nous avons construit ensemble Les P’tites Coccinelles. Nous avons aussi parlé de nos actualités : elle venait de publier L’intelligence des plantes et je venais d’illustrer un conte à déplier écrit par Philippe Lechermeier. Je lui ai alors fait part de mon envie d’illustrer un conte sur les plantes.

Fleur : C’est Chloé qui est venue vers moi avec l’idée de faire des contes sur les plantes et leur rapport avec les humains, si je me souviens bien… Après avoir réfléchi sur le sujet et tenté des choses, j’ai eu envie de revisiter des contes connus et méconnus en donnant le premier rôle à des êtres qui ne sont souvent qu’un décor dans les histoires.


Vous avez déjà publié plusieurs livres ensemble. Comment s'est passée votre collaboration avec celui-ci ?
Fleur : Beaucoup d’allers-retours, des essais plus ou moins concluants, beaucoup de recherches aussi, pour arriver à cet album qui, je crois, sort de l’ordinaire, et dont nous sommes toutes très fières.

Chloé : Comme pour les précédents projets, la collaboration s’est passée en triangle avec Natalie Vock-Verley, l’éditrice. Au printemps 2020, notre trio s’est réuni pour construire ensemble ce projet de contes végétaux. Chacune a exprimé son angle de vue, ses attentes et ses envies.


Fleur, le choix des contes a-t-il été difficile ? Pourquoi avoir conservé ces cinq-là ?
Fleur : Ce qui est difficile, c’est de trouver des contes dont les plantes sont les héroïnes. En fait, ça n’existe pratiquement pas. Les plantes sont souvent en arrière-plan, un outil, même pas un second rôle ! Et puis nous avions choisi de couvrir le monde entier. J’ai donc passé beaucoup de temps à éplucher des livres anciens, Internet aussi, afin de dénicher des histoires que je pouvais remanier pour donner aux plantes un rôle central. Je voulais aussi raconter des histoires fortes, émouvantes, ou drôles. Au final, ce sont toutes ces facettes que les contes choisis regroupent.


Fleur, pour cet album, vous avez donc réécrit des contes traditionnels. Comment avez-vous travaillé ? Quels choix avez-vous du faire et pourquoi ?
Fleur : Par exemple, dans le conte japonais Momotaro, qui est très connu, l’enfant naît dans une pêche. Cette idée de départ est géniale, mais dans le conte traditionnel, la pêche est très vite oubliée, elle n’est qu’un berceau. Dans mon histoire, le fruit reste avec le héros et la pêche devient une héroïne indispensable au sens de l’histoire. Elle lui donne ses pouvoirs et l’accompagne dans ses aventures. Sans elle, rien n’aurait pu se produire ainsi. Voilà le type de choix que j’ai fait. En plus, elle permet de nombreuses touches d’humour.


Chloé, avec Plantes intrépides, vous passez du documentaire au conte. Le travail préparatoire a-t-il été différent ? 
Chloé : Ayant déjà illustré Hansel et Gretel, je n’étais pas novice dans le domaine du conte. Le travail préparatoire est le même pour un documentaire ou pour une fiction : je constitue une bibliothèque d’éléments visuels qui deviennent des briques de lego, que j’assemble pour créer une scène fictive. Dans les deux registres, je manie la poésie du réel ainsi que la symbolique. Basculer du registre du documentaire à celui du conte n’est qu’une question de proportion : plus de réel dans le premier cas, plus de symboles dans le deuxième.


Chloé, comment vous êtes-vous approprié l'imaginaire, l'ambiance des différents pays ?
Chloé : Pour m’imprégner des cinq pays visités dans Plantes intrépides, j’ai analysé les couleurs utilisées dans l’architecture, l’artisanat ou l’art de ces pays. Je me suis essentiellement basée sur : l’estampe pour le Japon, l’artisanat du raphia pour Madagascar, la mosaïque du palais du Golestân pour la Perse, la broderie textile pour la Bulgarie et les sculptures des natifs pour l’Amérique du Nord.


Chloé, quelles techniques d'illustrations avez-vous utilisées ?
Chloé : J’ai utilisé les mêmes techniques que pour la collection des « Éveil nature ». La 1re étape, celle des recherches (= constituer une bibliothèque d’éléments visuels + les assembler en une scène fictive) est numérique, elle se déroule sur le logiciel Photoshop. La 2e étape, celle du crayonné, se fait en traditionnel, avec un porte-mine et une gomme toute fine. La 3e étape, celle de la mise en couleur est d’abord traditionnelle : je dessine les traits avec un stylo à encre gel. Puis numérique : je scanne ces traits et je les transforme en aplats, traits ou ombres dans le logiciel Photoshop.


Dans l'album, l'oralité et la parole donnée aux plantes sont au centre. Pourquoi ce choix ?
Chloé : L’oralité est l’essence même du conte. Et donner le micro au végétal est une stratégie pour la mettre à l’honneur. L’écouter, prendre en compte son point de vue est la finalité de cet ouvrage. Je rêve qu’après avoir rencontré Pêche, Manioc, Fraxinelle, Pastèque et Pin blanc, certains de nos lecteurs perçoivent le végétal autrement. Qu’ils considèrent ces autres vivants comme des individus ayant leur mot à dire.

Fleur : Rien à ajouter ;-)


Quel est votre conte préféré ? Pourquoi ?
Chloé :
Je les aime tous, ils se répondent en écho. Je les ai illustrés comme un seul recueil. Avez-vous remarqué qu’un nouveau-né ouvre le recueil sur la première double et qu’un vieillard le termine sur la dernière double ?

Fleur : Moi aussi je les aime tous parce qu’ils ont chacun un message qui me tient à cœur. Si je devais vraiment en choisir un, je dirais « Comment le pin blanc scella la paix ». Il m’est arrivé de verser une larme en le relisant.


Quel est le conte qui vous a donné le plus de fil à retordre ? Pourquoi ?
Chloé : Le conte qui a été le plus complexe à ficeler pour moi est justement celui du pin blanc ! Par respect pour l’histoire des natifs, j’ai tenté de me documenter au mieux sur leurs tenues vestimentaires. Trouver des tenues datant de 1570 (l’année de la création de la ligue des Cinq-Nations) et représentant chacune des cinq tribus n’a pas été une mince affaire ! Par ailleurs, créer une alternance entre les scènes de contemplation et celles de confrontation a nécessité plusieurs essais.

Fleur : Moi aussi, c’est celui-ci qui m’a donné le plus de fil à retordre et que j’ai le plus retravaillé ! L’histoire originelle est très longue, avec de nombreux personnages et des voyages aux quatre coins du territoire des Iroquoiens. Il fallait donc condenser, simplifier, tout en gardant la densité de l’histoire et y ajouter mes touches personnelles. Mais ça valait la peine je crois !


Quel est votre rapport aux plantes, aux fleurs et plus largement au monde végétal ?

Fleur : Je m’appelle Fleur, dois-je en dire plus ? ;-) Même si je suis formée en éthologie, j’ai découvert le comportement végétal il y a quelques années et j’ai écrit un essai scientifique sur l’intelligence des plantes. Le monde végétal est fascinant au-delà de tout ! Et les découvertes scientifiques récentes ouvrent la voie vers une nouvelle considération de ces êtres que beaucoup ignorent. Les plantes sont là depuis le début du monde, et seront là bien après nous. Elles nous offrent l’humilité, la patience, la beauté. Prenons-en de la graine ! Ah ah !

Chloé : Mon prénom a la même étymologie grecque que le mot chlorophylle, il signifie « jeune pousse ». Autant vous dire que les plantes sont de ma famille ! Je suis dans les pas de Baptiste Morizot qui nous invite à « préparer la rencontre avec le monde et à inventer de nouvelles relations, riches des égards ajustés, envers les autres manières d’être vivant ». Si j’ai souhaité ardemment que le livre Plantes intrépides existe, c’est parce que je suis convaincue qu’il est urgent que les enfants rencontrent le végétal et tissent un lien avec lui.


D'autres projets en cours / à venir ?
Chloé : Cette année paraîtront deux « Éveil nature » : Le P’tit Océan (juin 2023) dans lequel je suis plongée actuellement avec Marie Lescroart et Les P’tits Champignons (octobre 2023) que je démarre avec Fleur dans un mois. Parallèlement, je dessine un imagier de petits humains avec Élisabeth Brami, l’autrice de Mimimagier que j’ai illustré pour Casterman en 2020. Voilà pour les projets qui sont dans les tuyaux éditoriaux. Les autres sont en coulisses et sont trop timides pour s’exprimer…

Fleur : Même si je n’oublie pas la nature, je suis en train d’opérer un virage important dans mon écriture puisque je travaille sur un roman historique. J’ai envie de me frotter à ce que je ne sais pas encore faire, à la fiction, à un projet de grande envergure sur un sujet qui me prend aux tripes, même si ça me fait très peur et que je ne sais pas si j’y arriverai ! Et puis j’ai six livres qui vont sortir en 2023 dont quatre chez Ricochet ! En plus de Plantes intrépides, il y aura Fourmidables fourmis (mars 2023) et Pas bêtes les bêtes (février 2023) avec Émilie Vanvolsem et Les P’tits Champignons (octobre 2023) avec Chloé.

 

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