À l'occasion de la parution de Léna & Méga, découvrez l'interview de Maïlys Cart-Lamy.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis illustratrice et mon signe astrologique est Lion, ascendant Balance. Mon petit chien Lupe me suit comme mon ombre. Je l’ai adopté en Colombie, où j’ai résidé avec mon amoureux ces deux dernières années. Je suis sensible, loyale, j’adore la brioche, explorer la montagne qui me rappelle mon enfance et me perdre en musique dans les musées. Je suis souvent dans la lune, d’où mon attrait pour le firmament. Mais mon karma incroyable me sort de toutes les situations fâcheuses. L’orage me terrorise et mon rêve ultime serait de respirer sous l’eau.
Léna & Méga est votre premier album en tant qu’autrice, comment vous est venue cette histoire ? Y a-t-il une part autobiographique ?
Bien sûr, l’album puise son inspiration dans la relation que j’ai avec mes neveux et nièces. Notamment Léna, dont je suis très proche. C’est l'amour instantané et inconditionnel pour elle qui m’a poussé à revenir en France et à écrire une première version maladroite de Léna & Méga. Presque dix ans ont passé, Léna a grandi et moi avec elle. J’ai enfin fait de l’illustration mon métier et les trésors imaginatifs de ma nièce sont des puits d’inspiration merveilleux. Pourtant il y a peu, alors que nous jouions ensemble, elle s’est mise à comparer nos dessins en disant que les siens étaient « trop moches ». De la conversation qui a suivi, sur la beauté du regard de l’enfance qu’il faut préserver, est née la nouvelle version de Léna & Méga.
Il est rare que la relation tante-nièce soit exploitée dans les livres pour enfants. Était-il important pour vous de mettre en avant ce lien familial ?
Mon souhait était de transcender le schéma conventionnel de la relation « parent-enfant ». Je suis convaincue dans tous les cas qu’un enfant a besoin d’être nourri par une diversité bien plus vaste d’expériences, de perspectives, de cultures et de modes de vie que ceux offerts par un ou deux adultes. C’est pourquoi je trouve important de mettre en lumière d’autres liens de confiance, capables de bâtir, d’inspirer et d’accompagner cette évolution. Dans ce cas précis, le rôle est tenu par la tante, mais cela pourrait tout aussi bien être les amis des parents, les grands-parents...
Faire apparaître le tatouage dans un album jeunesse, il fallait oser. En quoi était-il important pour vous de l’évoquer ?
(rire) Je trouve ça chouette de pouvoir dessiner sur son corps, de choisir un dessin chargé en symbolique, ou que l’on considère comme esthétique, ou encore complètement loufoque. C’est une manière de raconter des histoires aussi. Quand quelqu’un te demande que représente ton tatouage, tu rentres tout de suite dans un récit intime. C’est le genre d’échange qui me plaît.
La baleine a-t-elle une signification particulière pour vous ou votre nièce ?
Oui, surtout pour moi, je crois ! Je suis impressionnée et émue par la grâce de ces vieilles âmes, leur douceur et leur puissance. Si je pouvais, j’aimerais passer une journée dans la peau d’une baleine à bosse.
Justement le rêve tient une grande place dans l’album, que représente-t-il pour vous ?
Je suis de nature angoissée et je fais beaucoup de cauchemars. Mais lorsque je rêve, il s’agit souvent d’épopées aquatiques peuplées de mammifères marins. De manière générale, pour moi le rêve endormi est une grande source de connaissance de soi, et le rêve éveillé est ce qui nous fait vivre : la contemplation, l’imagination et les projets.
En tant qu’illustratrice, quelles sont vos techniques de prédilection ? Lesquelles avez-vous utilisées pour cet album ?
J’aime beaucoup le crayon et le feutre pour leur spontanéité. Avec cet album, j’ai commencé par réaliser de grandes planches sur feuilles Canson, avec des crayons de couleur et des pastels gras. Cela m’a permis d’exprimer ma ligne la plus naturelle et spontanée, avant de poursuivre sur la tablette graphique qui donne énormément de possibilités et un rendu plus léché.
Quel est votre rapport à l’art en général ? Vos inspirations artistiques ?
J’ai pu étudier l’histoire de l’art quand j’étais au lycée. Aujourd’hui, j’ai une approche moins scolaire et eurocentrée. Je découvre la force des courants artistiques modernes et contemporains en Amérique latine et je continue d’aller au musée. Selon moi, l’art est un canal de connaissance de soi, c’est une expérience picturale et émotionnelle hyper intime. Les artistes et les illustrateurs·ices que je (re)découvre actuellement et qui m’inspirent sont souvent des personnes dont j’admire aussi la vie et la vision politique : Brecht Evens, Power Paola, Marjane Satrapi, Frida Kahlo, Hilma Af Klimt, Remedios Varo ou Wanchegi Mutu.
Comment avez-vous choisi les tableaux présents dans le livre ?
Picasso devait apparaître, car sa fameuse citation était fondatrice pour la morale du livre : « Il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. Dans chaque enfant, il y a un artiste. Le problème est de savoir comment rester un artiste en grandissant. ». C’est à partir du doudou étoile de Léna que se fait la réflexion. Elle va se rendre compte que ce qu’elle pensait être une étoile, sous sa forme symbolique, est en réalité bien différent de la réalité. À partir de là, elle va découvrir la diversité de représentation des étoiles : on passe par le chef-d’œuvre Nuit étoilée de Van Gogh, avant de découvrir des femmes artistes venant du monde entier : Wangechi Mutu, Remedios Varo, Leonora Carrington, Hilma af Klint, Helen Frankenthaler ou Niki de Saint Phalle.
Quels messages souhaitiez-vous transmettre avec l’histoire de Léna & Méga ?
Je crois que le plus important pour moi avec cet album est de donner confiance aux enfants. Pour qu’ils explorent et chérissent leur identité, et qu’ils ne se conforment pas à ce qu’un avis extérieur qualifierait de bien ou mal, de beau ou moche. J’ai été trop longtemps une personne qui manquait de confiance en elle et dont les choix de vie étaient influencés par le souhait d’être aimé ou de ne pas décevoir. Je crois que beaucoup de petites filles ont aussi grandi de cette façon, il y a aussi une volonté d’empouvoirement des femmes dans cet ouvrage.
Dans l’album, vous invitez les lecteurs à se souvenir et à chérir leur regard d’enfant. Qu’en est-il pour vous ?
Je crois qu’il ne m’a jamais vraiment quitté : cette capacité d’émerveillement et cet enfant intérieur, ce sont les choses que je chéris le plus. En travaillant sur le projet, j’ai essayé de me connecter à mes neveux, à leur manière de voir les choses et à leurs dessins. D’ailleurs, le dessin de Léna dans le livre est directement inspiré d’un dessin de la vraie Léna.
Avez-vous d’autres projets d’album en cours ou à venir ?
J’ai un projet d’album jeunesse en Colombie dont la maquette a été terminée et qui a été envoyée aux éditeurs. Mais à mon retour en Europe, je souhaite consacrer tout mon temps au développement d’un roman graphique dont j’ai l’histoire en tête depuis un moment. C’est un gros challenge !