À l'occasion de la parution de la parution de La Voix de Melba, découvrez l'interview de Morgane de Cadier.
Morgane, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai étudié le dessin académique à l’école Émile Cohl, à Lyon, ville que je n’ai jamais quittée depuis. Je travaille comme illustratrice depuis 2017, mais c’est par l’écriture que je suis entrée dans l’édition jeunesse avec une dizaine de titres publiés à mon actif.
Je pense qu’il m’a fallu du temps pour trouver la direction graphique que je souhaitais prendre et la technique qui me convenait le mieux. Finalement, je suis tombée amoureuse de la gouache. Une relation qui va durer, je pense !
Jusqu’à maintenant, quel est le projet t’a rendu la plus fier ?
Je réussis enfin à illustrer mes propres textes ! La Voix de Melba a vu le jour 9 ans après la sortie de mon premier livre en tant qu’autrice et cette fierté va également de pair avec une grande reconnaissance pour la confiance que l’on m’a accordée.
Et encore aujourd’hui, Tout Là-Haut, mon premier livre illustré par Florian Pigé sorti lorsque j’avais 22 ans, reste quelque chose d’extrêmement fort pour moi, encore aujourd’hui.
C’est vrai que l’on te connaît davantage pour ta plume. Mais cette fois-ci, tu as allié ton goût pour l’écriture et pour l’illustration. Qu’est-ce que cela t’apporte de nouveau ?
Cela me permet d’avoir la main sur l’ensemble du processus créatif et de réfléchir l’album de façon plus globale. C’est compliqué pour moi de dissocier le texte de l’image. Je vois des images quand j’écris et j’imagine des tournures de phrases quand je dessine. Petite, j’adorais déjà écrire et raconter des histoires, colorier et imaginer des rimes.
Je peux aussi proposer des thématiques plus personnelles et j’ai l’impression de gagner en légitimité. On n’est pas surpris de voir une illustratrice écrire ses textes, mais il me semble que ce n’est évident pour personne qu’une autrice puisse illustrer. J’avais besoin de faire mes preuves.
Des petits rituels d’écriture ?
J’écris énormément de débuts d’histoires, c’est ce qui me vient le plus facilement. Tous ces débuts de texte peuvent ensuite dormir pendant plusieurs mois avant que je ne me repenche dessus.
J’ai d’ailleurs du mal à écrire un projet d’une traite, j’ai besoin de temps pour que mes idées mûrissent. J’ai souvent 6 ou 7 versions d’un même texte, et. Je suis incapable de supprimer une ancienne version. Parfois, je reviens en arrière. Ce n’est pas un processus linéaire, mais plutôt une succession d’allers-retours.
La question classique… Comment trouves-tu ton inspiration ?
Je pense que c’est la question que l’on me pose le plus en rencontres scolaires, je vais finir par mettre un veto dessus (rires) !
En même temps, c’est très compliqué de répondre à cette question ! Je puise dans mon vécu, dans mes voyages, dans mes lectures, dans mes questionnements au quotidien. Ma création est le moyen que j’ai pour m’exprimer. Ne plus avoir d’inspiration, ce serait comme ne plus penser.
Ton héroïne est une ourse qui s’appelle Melba, pourquoi ce prénom ?
Il a été difficile à trouver, et il a beaucoup changé au cours de l’écriture. Je voulais trouver un prénom qui ait du sens par rapport à mon sujet. Finalement, j’ai choisi Melba en hommage à l’ourse slovène qui a été introduite dans les Pyrénées en 1996. Elle a été abattue par un chasseur un an plus tard. Sa fille connaîtra d’ailleurs le même destin 25 ans plus tard dans une zone où la chasse était pourtant interdite.
Les lumières sont éclatantes dans tes illustrations, comment t’y es-tu prise ?
Déjà, merci ! Je réalise beaucoup de croquis en plein air à la gouache. Cela m’aide à comprendre comment les choses fonctionnent « dans la vraie vie », comment les lumières se posent, comment les ombres se colorent, etc. J’essaye ensuite de mobiliser toutes ces observations dans mes illustrations pour avoir des ambiances lumineuses qui soient crédibles et sensibles.
Dans ton album, un personnage exprime son inquiétude face aux changements climatiques qui affectent sa forêt. Qu’est-ce qui t’a inspiré ce thème ?
C’est une thématique qui me touche et qui m’inspire beaucoup. Dans mes créations, les personnages sont très souvent des animaux et j’avoue être plus à l’aise pour peindre des décors naturels. Malgré tout, La Voix de Melba est mon premier projet à aborder frontalement cette question, et plus particulièrement sous l’angle de l’éco-anxiété.
Cette idée m’est venue assez vite en découvrant l’appel à projets du Livre Vert de la ville du Mans. Je trouve que l’on donne beaucoup de responsabilités aux enfants lorsqu’on leur demande de trier leurs déchets, de rouler à vélo et de couper l’eau quand ils se brossent les dents. Mais la réalité, c’est que tous ces efforts, même s’ils sont très importants, restent peu de choses à côté des décisions que peuvent prendre nos politiques ou certaines grandes entreprises. Cela peut créer une angoisse et une colère chez les jeunes générations.
Et comment t’es-tu approprié l’appel à projets du Livre Vert justement ?
La thématique m’a tout de suite parlé. Je ne voulais pas aller vers une fin où « tout va bien », mais plutôt vers une évolution des personnages pour aller vers un mieux. Ce n’est pas le projet le plus simple à défendre, mais je suis très heureuse que l’on m’ait fait confiance pour mener cette histoire à bien et j’ai hâte de pouvoir présenter le livre au public.
Et quel public ! En plus d’être disponible en librairie, La Voix de Melba sera offert à tous les élèves de CP de la ville du Mans !
Je trouve cette initiative incroyable ! Pour beaucoup de famille, les livres sont des objets peu accessibles et représentent un réel budget. C’est un geste fort d’offrir un livre à chaque enfant à l’âge où ils découvrent la lecture.
Tu dois être impatiente de rencontrer tes lecteurs. C’est toujours un moment fort n’est-ce pas ?
Oui ! J’ai tout un tas d’idées d’ateliers autour de ce livre ! Les animaux et la forêt permettent de faire beaucoup de choses, comme du dessin, du papier découpé, des grandes fresques communes. On peut facilement adapter le niveau de dessin à l’âge des enfants, et je pense qu’ils vont réaliser de très belles œuvres !
Que voudrais-tu qu’ils retiennent de ce livre ?
J’espère réussir à transmettre deux idées en fait.
La première est que la nature est fragile et qu’on ne peut pas minimiser les changements climatiques juste parce que cela ne nous arrange pas ou quand cela remet en cause notre confort.
La seconde est qu’il est important de « prendre la parole » et de parler de ses émotions, sans hésitations.